Le consommateur responsable… Un consommateur « trop parfait »?

En cette rentrée 2018, notamment depuis la démission très médiatisée du ministre de la transition écologique Nicolas Hulot, l’éminence et l’importance des défis liés à la préservation de l’environnement et plus globalement ceux liés à l’écologie reviennent sur le devant de la scène. Parallèlement à cela, les consommateurs sont également de plus en plus conscients du rôle qu’ils ont à jouer. Que cela soit comme moyen de pression sur les politiques et les entreprises (boycott et buycott) ou tout simplement à travers leur façon de consommer (importance des critères sociaux et environnementaux dans leur choix), ils sont de plus en plus sollicités par les différents acteurs pour contribuer à cette transition écologique. Si certain.es sont prêt.e.s à sauter le pas, d’autres ont du mal ou ne souhaitent pas adopter ces comportements du consommation dits « responsables ». Depuis de nombreuses années maintenant, les recherches sur la consommation responsable tentent de comprendre pourquoi il existe un si grand écart entre les  prises de conscience des consommateurs, leurs bonnes intentions et leurs comportements réels.

Gilles Séré de Lanauze et Jeanne Lallement explorent les représentations sociales liées au consommateur responsable (CR) et leur une influence sur la décision d’adopter un tel comportement de consommation. A travers une étude qualitative basée sur l’analyse des métaphores employées, et menée auprès de 35 personnes, les chercheurs font ressortir les perceptions négatives liées au consommateur responsable et proposent quatre profils stéréotypés qui en découlent.

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Robinson Crusoé, consommateur responsable malgré lui !

A quoi ressemble le consommateur responsable?

Si les recherches empiriques ont rarement été consensuelles sur l’importance des caractéristiques individuelles et notamment socio-démographiques dans l’adoption d’un comportement de consommation responsable, cela n’empêche pas les individus d’avoir une image de ce consommateur. Ils se le représentent comme une personne relativement mature voire âgée, avec un niveau d’éducation élevé, des revenus confortables (CSP moyenne et aisée) et des enfants. Ils ne nient néanmoins pas que les jeunes consommateurs peuvent être responsables mais dans ce cas là ils sont associés à des militants. En terme de pratiques, le CR trie, recycle, s’intéresse à l’écologie et à la préservation des ressources naturelles. C’est également une personne qui se soucie de la qualité des produits, de sa santé et qui privilégie des produits bio, éthiques et locaux.

Mais si ces représentations semblent assez positives et répondent aux normes sociales du moment, elles restent néanmoins associées à une facette élitiste, irréaliste voire utopique du CR. En effet, le défaut de plaisir dans la consommation ainsi que la rupture avec la société viennent s’ajouter aux freins externes, aux justifications « classiques » dans la non adoption d’un comportement responsable; à savoir le coût des produits, le temps nécessaire, le manque et/ou la mauvaise qualité de l’information disponible.

Les 4 stéréotypes négatifs associés au consommateur responsable.

Les perceptions négatives recensées dans l’étude permettent également aux chercheurs de proposer une typologie originale et un peu à contre-pieds des typologies existantes sur le CR puisqu’elle met en exergue 4 profils négatifs du CR

  • l’intégriste, est « en lutte perpétuelle », dans l’excès et en conflit avec ceux qui n’adoptent pas un comportement de consommation responsable ;
  • l’ermite est empreint de privation, d’ascétisme, ce qui le conduit à une marginalité voire à un isolement social ;
  • le rabat-joie qui inhibe son plaisir au profit du devoir et qui renvoie donc une image de personne triste, rigide et trop sérieuse ;
  • le snob est critiqué pour son côté hautain, supérieur et soumis au politiquement correct, au mainstream des normes sociales. Parfois associé aux « bobo », il est vu comme un consommateur qui n’agit pas par conviction mais par effet de mode.

Ces représentations négatives du CR contribuent à nourrir les freins vis-à-vis de l’adoption d’une consommation responsable. Pour réellement changer les comportements de consommation, les marketers devront alors relever le défi de faire apparaitre la consommation responsable comme moderne ou libérée sans être moralisatrice et inhibitrice de plaisir.

Ces profils, ça vous rappelle quelqu’un ?

 

Séré de Lanauze G.  et Lallement J. (2018), Mieux comprendre l’image du consommateur responsable: de la personne idéale aux stéréotypes négatifs, Décisions Marketing, 90, 15-34.

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